Par Véronique Armstrong, M. Env.
Le festival végane de Montréal est un heureux mélange de plusieurs plaisirs.
C’est certainement un plaisir gustatif, annoncé par les arômes alléchants qui émanent des kiosques et enchantent les narines.
C’est celui de se blottir dans la salle de conférence et d’entendre des propos qui parfois nous réchauffent le cœur, parfois le serrent, mais qui toujours nous illuminent l’esprit.
Et celui de se laisser inspirer par des personnes et des organisations qui amènent d’importants changements dans le monde, autant d’incarnations d’un mode de vie éthique et bienveillant.
J’ajoute que les personnes qui se trouvent derrière ce festival ont joué un rôle déterminant dans mon parcours d’environnementaliste. Lorsqu’elles acceptèrent ma toute première proposition de conférence (« Le tabou qui détruit la planète », en 2018), elles venaient sans le savoir d’enclencher pour moi une série de décisions importantes. Grâce à elles, j’avais cette occasion en or, si stimulante, de creuser ce qui m’intéressait le plus au monde : les liens directs, multiples et oh combien forts entre la cause environnementale et la cause animale. J’avais la piqûre ! L’année suivante, je quittais mon emploi pour entreprendre des recherches en éthique environnementale et de l’éthique animale.
Assurément, le festival végane a été le catalyseur de nombreuses prises de conscience cruciales, notamment celle de la puissance de la cause animale. Cette cause est intrinsèquement importante. Le chemin vers un monde plus juste passe nécessairement par la prise en compte des différentes formes d’oppression à l’œuvre, que les personnes malmenées soient couvertes de plumes, de peau, d’écailles ou de fourrure. L’idéologie sous-jacente à un système violent se retrouve aussi dans les autres types de domination, si bien qu’en nous nous ouvrant les yeux sur une forme d’injustice, nous devenons aussi plus lucides sur les autres.
Un mode de vie végane n’est pas uniquement composé de plaisirs, de bonnes bouffes et de belles rencontres. Il implique de se frotter aux multiples résistances qui jalonnent un monde où l’exploitation animale est la norme. Ces résistances ne sont presque jamais le fait de personnes malveillantes. Elles sont plutôt celui de personnes qui se doutent que certaines réalités du monde vont au-delà de ce qu’elles se sentent prêtes à supporter et qui cherchent à s’en protéger.
En attendant, les mécanismes de défense et autres justifications d’usage demeurent bien présents. C’est surtout lorsqu’il est question du sort des êtres animaux que l’on peut mesurer l’influence de visions de monde traditionnelles (judéo-chrétiennes, agriculturistes et conservationnistes, par exemple) sur nos pensées et nos décisions de tous les jours. C’est pourquoi l’on aurait tort de dire des personnes qui prêtent leur voix aux êtres animaux qu’elles tentent d’endoctriner les autres. En réalité, elles œuvrent à les désendoctriner. À rendre visible tout ce qui est bien plus cohérent avec leurs belles valeurs de justice et de compassion.
Ce désendoctrinement ne profite pas qu’aux êtres animaux malmenés, il profite également à l’environnement. Lorsqu’une personne laisse tomber des barrières de protection face à la cause animale, elle devient du même coup plus réceptive à la cause environnementale. Elle peut laisser la pléthore de données scientifiques révélant les bienfaits planétaires d’un mode de vie végane déferler sur elle et marquer sa psyché. Elle peut plus facilement discerner les choix et les habitudes de son quotidien qui font la différence, ainsi que les réflexions qui rendent le terreau toujours plus fertile.
Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses raisons pour lesquelles le festival végane est aussi important. Il est le lieu de rencontre de nombreuses personnes qui contribuent à un avenir plus doux. Leur vision du monde empathique percole l’événement. Elle flotte avec les bonnes odeurs, trône sur les devantures des kiosques et tournoie avec les pages des bouquins qu’on y feuillette. Elle se mêle au bourdonnement des discussions bienveillante et à l’éclat des rires enthousiastes. Elle existe bel et bien et, l’espace de ces quelques jours, elle brille sous tout plein de facettes chatoyantes.
Pour ma part, je serai enchantée d’y retourner et de constater que, cette année encore, le monde devient un peu plus beau.
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